LA GARDIENNE 2-Mourir pour survivre (tomes 1&2)
Elue malgré elle par les ancêtres pour succéder à sa mère au rang de Gardienne et préserver les traditions de Carisi son village en Afrique dont elle ne sait presque rien, Cendre, brillante technicienne née en France et y vivant, n’entend pas céder à cet appel. Peu renseignée sur ce qu’il coûte de devoir assumer …
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« Elle devait juste briller et attirer les hommes. Faire en sorte que la renommée de Zalang aille au-delà des frontières. Aller en mariage, avoir des enfants, non ! C’était leur fortune de famille. »
Cette funeste prophétie des anciens d’Andock, village ayant vu naître et grandir Douma, l’étoile montante, chanteuse et danseuse invétérée du célébrissime groupe de danse Zalang, résume la destinée écrite, les sombres désirs, la vie par procuration des personnes censées être les Emvam, protecteurs de la jeunesse, bibliothèques vivantes devant assurer la transmission des traditions.
Dans ce roman, l’accent est mis sur la transmission des valeurs et la pérennisation de celles-ci. L’Elone et le Makome sont mises en valeur. J’ai particulièrement apprécié les détails relatifs aux rites. J’ai noté avec ravissement, la pudeur et la décence observées par l’autrice, la limite qu’elle n’a pu franchir souhaitant sûrement ne pas jeter « des perles aux pourceaux ».
En prenant connaissance des faits ayant trait à l’initiation, je me disais qu’il y avait anguille sous roche. Une enfant de 10 ans, initiée par des anciens, n’ayant pas encore la faculté de discerner, de prendre elle-même des décisions relatives à sa survie et « adoubée » par une assemblée de cheveux blancs, m’a laissée pantoise.
L’enfant n’appartient certes pas seulement au noyau familial mais à toute la communauté, le faire sans avertir le ou les parents et surtout, sans leur consentement, ceux-ci étant vivants, m’a ébranlée car qui dit initiation, dit rencontre avec des respirants, invisibles, entités, esprits, errants et autres. La mise en avant du rayonnement du village en lieu et place de des intérêts de Douma, en premier, n’était pas de bon augure.
Le retour aux sources, à mon humble avis, devient un concept et est dénué de toute valeur si clairvoyance, consentement et intégrité ne sont pas pris en compte. Au-delà du caractère sacré de l’initiation, il est important de situer la personne, expliquer et exposer les impacts de l’initiation dans chaque compartiment de sa vie. Le cas échéant, au lieu de préparer l’esprit de Douma, être transparent avec ses grands-parents, l’on détourne leur attention en flattant leur égo. Le caractère individuel et ses mérites, sont éclipsés par les capacités octroyées par les anciens, au détriment de l’existant.
Chaque individu naît avec son caractère, sa mission de vie, une destinée, des capacités et des dons octroyés par l’Être Suprême. L’existant existe bel et bien ! les personnes ayant quatre yeux, les initiés ont la faculté de lire en la personne si aucune barrière spirituelle n’est érigée autour celle-ci. Douma était attendue par les siens, Douma avait un destin exceptionnel, des capacités de meneuse, devait être une figure de proue et peut-être une « faiseuse de rois ».

Les anciens, qui le savaient, ont activé et orienté ses facultés et capacités endormies sous couvert de rites initiatiques. Pour garder la fortune familiale, la sacrifiée sur l’autel de la tradition, ils ont glissé des balises dans son esprit et limité son évolution spirituelle ; Douma n’en savait sûrement rien. Elle n’avait aucune idée du fardeau et des responsabilités qu’incombaient à une gardienne de traditions, ne souhaitant qu’aimer et être aimée en retour. Les anciens qui avaient pour rôle de transmettre avec intégrité, ont failli.
Douma représente cette jeunesse avide de connaissances, cette jeunesse en proie aux affres de la mondialisation, cette jeunesse qui prend acte des effets nocifs de l’exposition, surexposition aux cultures étrangères, cette jeunesse qui s’arrime à la technologie et décide de prendre des mesures coercitives telle, le retour aux sources sans défiance, sans flagornerie, sans menterie. Malheureusement, le devoir de vérité, la moralité et la part de Dieu, surpassés par l’humanité, la vanité et la futilité, ont tôt fait d’échauder, effrayer et reculer cette jeunesse en quête de repère et d’identité. Le consentement et sa quête, deviennent des signes de faiblesse ; l’Homme, plus royaliste que le roi, se prend pour l’Être Suprême et prend un malin plaisir à asservir ses congénères.
L’autrice en faisant de brèves incursions dans la pensée de Douma, nous permet de mettre des mots sur les maux, vivre ses émotions et claudiquer sur les chemins de son imperfection. L’on fait face à un maelstrom d’émotions, la rage, la colère, la tristesse et pour finir, le dépit. Porter aux nues, hier, elle est aujourd’hui pourchassée et clouée aux piloris pour avoir osé défier les aînés avec pour seule crime, celui d’avoir voulu vivre.
Après Douma, Bebela est le personnage qui m’a le plus touchée. Elle a été réactive voire pro-active du point de vue spirituel. Elle a fait usage de l’arme, comme ses parents, à sa portée : la prophétie, le verbe. Instinctivement, la matrice a cassé les codes de la société, s’affirmer en tant que femme et matrice, afin de voler au secours de sa Douma chérie. Face aux aînés, elle ne s’est pas débinée, le poids des matrice et génitrice qu’elle représente a tant bien que mal, essayé de contre-carrer toutes prophéties négatives sur son enfant. Malheureusement, Douma ayant donné ses accord et consentement à l’initiation, ainsi que ses grands-parents en place et lieu de sa mère, ignorait qu’elle avait signé des pactes. Sa non-assiduité à la prière et le fait de ne pas chérir les rendez-vous galants avec le Très-Haut, ont eu raison d’elle.

J’apprécie les bénédictions des grands-parents et de la maman mais reste dubitative pour ce qui est du triptyque : Hommes, ancêtres et Être Suprême. Le cheminement est le même durant les procédures relatives à :
- Naissance
L’enfant est présenté à la communauté qui bénit, suivit par les aïeux méritants qui sont les ancêtres, et l’Être Suprême.
- Mariage
Pour les fiançailles, lors de la présentation du fiancé, il est souvent demandé de revenir le lendemain car la nuit porte conseil. L’on se réserve la nuit pour consulter les ancêtres qui vont effectuer des recherches et plancher sur les possibilité et viabilité dudit mariage. Suivront en cas de retour positif, la dot et le mariage traditionnel, au petit matin, à quatre heures, derrière la case. Les ancêtres sont appelés, après les Hommes, à bénir l’union. Et enfin :
« Je vous le dis en vérité, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. » Matt 18 : 18.
- Deuil
Avant d’enterrer le défunt ou la défunte, avant l’Insani, il y a le « Nsili Awou », raison de la mort et le procès dudit défunt : Ya a kabe si ? Les hommes jugent, les ancêtres, aïeux méritant, prendront le relais et enfin, l’Être Suprême.
Le verbe est important, la parole est sacrée et devrait être utilisée avec parcimonie et sagesse. Lorsque les deux premiers maillons ou l’un des deux maillons de la chaîne est défaillant, qui assure la pérennité et la conscientisation des masses ? Le cas échéant, si les ancêtres sont aussi défaillants, qui protège l’enfant ?
Qui est chargé de recadrer les respirants et les ancêtres, en cas de fautes ? Qu’a prévu la tradition ? La tradition, qui la fait ?
Je termine cette note de lecture avec une petite pensée pour Enguengueng, la lumière, petite-fille d’Eyime et Assengone, et fille de Douma et Allogho. Merci pour cette note d’espoir.
ESSINGANG MEBALA aka SAMBA Saphir