LA MELODIE DU RUGRET…Partie 3

Partie 3

– Edalie, que se passe-t-il ?

– Rien, maman.

– Ok.

– Humm.

– Que fais-tu avec ce téléphone ?

– Je suis en communication…

Je suis surprise par le calme apparent que j’affiche alors qu’à l’intérieur, c’est un tumulte, un maelstrom de sentiments qui font rage. Je me lève et vais dans la salle attenante, ferme la porte derrière-moi ; j’ai de la peine à réaliser ce qui m’arrive.

– Esdras…

« Oui, ma chérie. »

– Pourquoi maintenant ?

« Comme je te l’ai dit, ma chérie, j’ai passé la nuit à discuter avec mes parents. »

– Et pourquoi ne m’as-tu pas appelée, juste après votre discussion ?

« Je me suis endormi. »

– Et tu viens de te réveiller, n’est-ce pas ?

« Je comprends ta colère, mais mets-toi à ma place, je ne peux aller à l’encontre de mes parents. »

– Ne pouvais-tu pas te battre pour deux ?

« C’est ce que j’ai toujours fait, Edalie. »

– Je ne te crois pas.

« Comment peux-tu en douter sachant que c’est notre quatrième voyage au Cameroun pour nous unir ? »

– …

« J’ai toujours accepté les frasques de ta famille, je t’ai toujours soutenue et maintenant que mes parents en font de même, tu cries au loup ? »

– Trouves-tu que ce soit normal ? Tes parents décideront-ils toujours de notre vie ?

« Ils ont juste plus de vécu et donnent des conseils. »

– …

« Ma chérie, si tu m’aimes, signe ce vulgaire bout de papier et allons-nous marier. »

– Ok, que ton avocat vienne, dis-je calmement.

« Merci, bébé. »

J’entends du bruit en fond sonore et semble entendre : « Tu vois, c’était facile. » Je comprends donc que tout a été orchestré. Je raccroche et respire quelques secondes, je suis bouleversée par ce que je suis en train de vivre. Au lieu de geindre, je suis calme et sais ce qu’il me reste à faire. Je sors de la petite salle, vais retrouver maman et mes autres cousines, elles se tournent toutes vers moi, le regard interrogateur.

– Que quelqu’un aille chercher tonton Martial et tonton Théo.

L’une de mes petites cousines sort immédiatement, maman se lève et vient vers moi.

– Edalie, que se passe-t-il ?

– Tu le sauras tout-à-l’heure, maman.

– Je n’aime pas ce qui est en train de se passer, cela n’augure rien de bon.

Quelques minutes plus tard, l’on toque, je croyais voir mes oncles, c’est plutôt un homme qui se présente sous l’identité de monsieur Njouenkou, l’avocat mandaté par la famille MVE. Cela tombe bien, je lui donne une place de choix, maman me regarde, attendant des explications, je leur demande à tous de patienter. Mes oncles arrivent, pimpants en peu de temps, prennent des chaises et s’asseyent.

– Maitre, pourquoi êtes-vous là ? je demande tout simplement.

– Je suis Maitre Njouekou, j’ai été mandaté par la famille MVE afin de permettre à Mlle ABANDA de signer un contrat de mariage ou d’accepter la polygamie comme régime matrimonial.

– Quoi ? s’offusque tonton Martial.

– En quoi consiste ledit contrat ? demande tonton Théo.

– S’ils se marient, ce sera le régime matrimonial des biens séparés, c’est-à-dire qu’en cas de divorce, chacun des époux reprend tout ce qu’il a pu acquérir en le justifiant par des factures, titres, usages ou marques. Et en cas de décès, ce sont les héritiers ou les bénéficiaires qui s’enquerront de la procédure.

– En d’autres termes, elle va se marier et n’a rien ; observe tonton Martial.

L’avocat acquiesce placidement.

– L’option suivante est laquelle ? s’impatiente tonton Théo.

– Polygamie ; répond l’avocat sur un ton laconique.

– Ce qui n’est pas mieux parce que là encore, c’est biens séparés ; remarque tonton Théo.

– En fait, ta belle-famille voudrait que tes biens soient nécessairement séparés de ceux de ton mari.

– Oui, dis-je en me pinçant les lèvres.

– Et depuis quand, le sais-tu ? demande tonton Martial en se tournant vers moi.

– Cela fait à peine un quart d’heure qu’Esdras m’a appelée, pour m’annoncer la venue de l’avocat.

– Hum, ce n’est pas possible ; dit tonton Théo, perplexe.

– Maitre, vous pouvez vous en aller, dis-je en le regardant.

– Madame, si vous ne signez pas, vous ne vous marierez pas, les MVE ont été plus que clairs.

– Ok. De toutes les façons, ma décision est prise ; dis-je en me levant.

Je me dirige vers la coiffeuse, prends un gros ciseau que je passe sur le corset, et tire du haut jusqu’en bas. La robe et la jupe se déchirent en deux. Je fais descendre le cerceau devant les autres qui assistent, médusés, au spectacle ; je récupère la paire de ciseaux et découpe la robe en petits morceaux. Je prends le téléphone et compose le numéro d’Esdras ; je souris d’avance.

Credit photo : freepik.com

– Chéri,

« Oui, bébé. »

– J’ai fait le nécessaire.

« Je savais que tu comprendrais, tu es vraiment en train de me soulager ; j’aurais dû t’en parler il y a, quelques années. »

– Ce n’est pas un problème, il est vrai que si j’étais aussi riche que vous, j’aurais fait de même.

« Tu es une grande dame, tu as prouvé à tous que tu es désintéressée, je suis fier de toi. »

– Merci, mon cœur. Par contre, pourrais-tu m’envoyer les billets d’avion pour la lune de miel ?

« Pourquoi ? »

– Esdras, tu m’as envoyé ton avocat et j’ai compris, je n’ai pas discuté malgré le fait que tu ne me fasses pas assez confiance. J’ai moi aussi, le droit de me méfier et demander à voir nos billets d’avion.

« Je te les montrerais ce soir. »

– Non, envoie-les-moi maintenant !

« Ok, ne t’énerve pas. »

– J’attends de les avoir dans une dizaine de minutes, maximum et l’on se retrouve à la mairie.

« Ok et je… »

Je raccroche, mon oncle Martial se rapproche et me prend dans ses bras.

– Nous te suivrons toujours, tu es assez intelligente et réfléchie.

– Merci tonton.

– Courage, ce n’était surement pas le bon.

– Je le pense aussi.

– Je suis dehors si tu as besoin de moi.

– Courage ma fille, courage, je ne sais quoi dire d’autre ; dit tonton Théo.

– Je comprends.

Mes oncles sortent, je fais signe à mes cousines, elles nous laissent en tête à tête, ma mère et moi.

– En es-tu certaine ?

– Plus que jamais, maman.

– Ok.

– J’attends les billets d’avion, je vais changer le nom du billet d’Esdras et nous partirons aux Bahamas.

– Ok.

– Nous allons devoir rentrer à l’hôtel, faire les bagages.

– Ok.

– Merci d’être là, maman.

– C’est normal, c’est mon rôle, je vais avertir les autres et faire le nécessaire.

– Ok.

J’en profite pour me changer, j’essaie de ranger, je suis en train de terminer lorsque j’entends toquer. Bart, l’ami d’Esdras fait son entrée dans la salle, tout souriant.

– C’est comment, la plus belle ?

– Je suis là et toi ? dis-je en lui faisant la bise.

– Esdras m’a demandé de t’apporter ceci.

– Merci.

– Je viens d’apprendre… tu es vraiment une femme généreuse.

– Merci.

– Je ne vais te déranger plus longtemps, je vais rejoindre ton homme qui est en train de se faire beau pour toi.

– Ok.

Dès qu’il est dehors, je me réjouis et appelle l’agence pour changer l’identité du deuxième billet ; je suis contente d’avoir demandé à l’avocat d’attendre la mairie avant d’informer la famille MVE de ma décision. Il faut payer des frais supplémentaires pour changer la modification en plus de l’heure ; car un avion décollera dans trois heures.


Maman et moi, après avoir dit au revoir à la famille, allons rester dans un motel de Tsinga ; mon portable est éteint, je ne souhaite pas être dérangée. Je ne peux pleurer, je n’arrive pas à verser une larme et parviens à m’endormir. Maman me réveille une demi-heure plus tard, nous nous mettons en route pour l’aéroport où mes oncles nous attendent et nous tiennent compagnie. Lorsque nous sommes appelées pour l’embarquement, je prends mon sac-cabine et embrasse mes oncles, ma mère me précède, puis un grand bruit se fait entendre.

– Edalie, ma chérie, s’il te plait, ne t’en va pas.

– …

– Nous pouvons encore en discuter, je peux essayer de te faire comprendre le pourquoi du comment.

– …

– Tu sais en ce moment, même les banques n’accordent plus de crédits sous le régime de biens communs. Nous avons juste ma famille et moi, souhaité prendre de l’avance.

– …

– Cela n’enlève rien à l’amour que j’ai pour toi.

– Marie-toi avec ta famille et tes banques ! ai-je le temps de lancer, avant de traverser les portiques.

J’ai marché sans un regard en arrière, je me suis effondrée dans l’avion et ai pleuré durant tout le vol ; heureusement que l’on nous avait alloué des sièges dans un coin assez discret en première classe. J’ai pleuré tout mon saoul et me suis endormie. Nous avons profité du séjour, une semaine durant, ma mère et moi, avant de rentrer à Houston où Esdras m’attendait gentiment.

– Bonjour, ma chérie.

– …

– Je comprends que tu sois fâchée, j’espère que nous pouvons maintenant discuter.

J’ai déposé mes bagages, ai pris une douche, me suis habillée sans un regard vers lui avant de prendre les clés de ma voiture. Je n’écoutais rien de ce qu’il me racontait, je suis allée acheter des cartons pour ranger mes affaires ; le temps n’était plus aux pleurs ou aux regrets.


Esdras a tout fait pour s’excuser, me couvrir de cadeaux, m’inviter au restaurant et me promettre des voyages de rêve ; pour moi, il était clair que nous en avions terminé. Trois jours plus tard, je vidais la maison et allais habiter avec ma mère. Bart et quelques amis ont essayé de nous réconcilier mais j’ai refusé, c’en était trop. 

2 réflexions sur “LA MELODIE DU RUGRET…Partie 3”

  1. Le nom il ta manque ce nom et cette couverture que devait rapporter ton père. La présence de ton père était plus importante pour eux que le mariage. Esdras tu était au courant de ces conditions depuis le départ et tu n’en as rien dit . C’est au pied du mur que tu lui apportes ces conditions sur un plateau d’or te disant qu’elle ne pourrait les refuser. Mais l’as tu seulement aimé ? maintenant qu’elle s’en est allé. Es-tu soulagé ?

  2. Vraiment trop ma chérie. Il n’a qu’à se marier avec sa famille?
    Par ailleurs, on parle de quel héritage? Apres toutes les humiliations que sa famille t’a causées, il pourrait au moins leur tenir tête.
    Ma chérie, ton prince charmant t’attend quelque part là.
    A l’avenir, évite de venir te marier au pays. Marie toi à Houston.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *