Partie 30 : une soirée mouvementée…
Ils sont en train de discuter allègrement, j’hallucine, elle est sérieuse ; hier, nous nous embrassions comme des affamés et aujourd’hui, elle est en train de diner avec ce Dave machin-truc. Je me demande parfois si elle réfléchit, cette fille. Mais que cherche-t-elle à me prouver ? Elle m’énerve à se faire draguer par n’importe qui et n’importe comment, je ne sais pas si c’est parce que je l’ai pas encore touchée.
‒ Bonsoir à tous…
Ils se tournent vers moi, il est souriant et elle, elle m’ignore complètement.
‒ Bonsoir Dave, comment vas-tu ?
‒ Bien, merci et toi ?
‒ Ça peut aller, je suis là pour elle ; dis-je en la fixant.
Elle n’a même pas cillé, n’a même pas fait semblant de m’écouter, concentrée à manger et sans un bruit.
‒ Choupette, puis-je savoir ce que tu fais ici ?
‒ S’il te plait, passe-moi le poivre, chéri.
‒ Tiens.
‒ Je croyais que tu ne sentais pas bien.
‒ Et le sel ?
‒ Pourquoi pas, c’est divin.
‒ Choupette, tu te lèves et on s’en va !
Elle ne me guette même pas, elle fait comme si je n’existe pas, je sens la rage commencer à monter.
‒ Nous nous embrassions hier soir, nous avons failli coucher et aujourd’hui, tu fais comme si tu ne me vois pas ?
Elle n’a pas hésité une seconde, son téléphone s’est mis à vibrer, elle y a répondu tranquillement.
Nous avons assez joué, je me suis avancé vers elle, je l’ai saisie par l’avant-bras ; elle a lâché le téléphone, qui s’est retrouvé par terre. Ses yeux étaient rouges, elle était furibarde, c’est la première fois que je la voyais dans cet état.
‒ Engamba, tu as intérêt à me lâcher.
‒ Sinon, tu feras quoi ?
‒ Serge, il faut la lâcher et tu nous empêches de diner en paix.
‒ Toi, ne te mêles pas de ça. Ok ?
‒ Tu es un ami de Landry, raison pour laquelle, je garde mon calme en plus du fait que nous n’ayons pas me même âge.
‒ Allons-y ! Ce n’est pas ce que tu disais hier, en gémissant !
‒ Je vous ai demandé de la lâcher !
‒ Ne me poussez pas à bout !
‒ Serge, allons-y, tu es en train de te ridiculiser.
Une serveuse arrive, très vite et essaie de garder Dave, loin de choupette et moi.
« Qu’y a-t-il ? »
‒ Une dispute de couple.
‒ Nous ne sommes pas en couple et demandez-lui de me lâcher.
‒ Non, je te raccompagne !
‒ Serge, laisse-la, toi aussi.
« Je serais obligé de vous demander de sortir, vous faites beaucoup de bruit et perturbez le déroulement du diner des autres. »
« Ils n’ont pas encore payé. »
Je sors une liasse de billets de ma poche et la jette sur la table.
‒ C’est pour les deux tables !
‒ Serge, Tu ferais mieux de la lâcher ; dit-il en posant la main sur mon bras.
‒: Je te déconseille de faire ça, je récupère ma femme, c’est tout.
‒ Ta femme ? Qui est ta femme ici ? Je fais quoi avec un attardé et un arriéré de ton genre ? Un homme qui ne s’est pas se tenir et se croit encore à l’âge de la pierre taillée.
‒ Type, laisse-la.
‒ Non, elle vient !
‒ Engamba, tu n’as vraiment rien dans le froc pour demander avec force, même saoule, je n’accepterai pas de te fréquenter et encore moins t’embrasser. Tu dois vraiment être désespéré pour en arriver là.
Je tire Cricri, qui se laisse faire et Dave nous suit tranquillement. Tout est parti si vite, Cricri m’a sorti, une touche d’art martial, elle s’est libérée en quelques secondes. J’ai senti une vive douleur aux cotes et à la figure. Elle est leste pour une femme de son gabarit, je n’en reviens pas.
‒ Engamba, je ne suis pas ta copine et je ne le serais jamais. Pour qui te prends-tu ?
‒ Tu n’as rien à faire ici !
‒ Dave, allons-y !
‒ Peut-être faut-il que…
‒ On y va !
Elle a pris sa main, ils sont rentrés à l’intérieur, Cricri était dangereusement calme ; c’est la première fois qu’une femme réagit de cette façon. Généralement, elles sont flattées que je leur porte autant d’attention.
‒ Laisse tomber, type.
‒ Laissez-tomber, quoi ?
‒ Te rends-tu compte que tu viens de te faire ridiculiser par une femme ?
‒ Non, je me suis juste exprimé.
‒ Well (bien) ! Maintenant que tu t’es exprimé, allons continuer la soirée, ailleurs.
‒ Non.
Je fais mine de rentrer à l’intérieur, il me tire par le bras, je finis par le suivre en silence. Je démarre ma caisse en silence, je suis énervé, je refoule ma colère, je sais qu’il faudra qu’elle sorte à un moment donné. Nous sortons de l’enceinte de l’hôtel Hilton et nous engageons sur le boulevard du 20 Mai, je suis en train de cogiter lorsque Landry se plie en deux et éclate carrément de rire.
CLIC….PLASH…CLIC…PLASH…
‒ Une photo parle mieux que mille mots ; dit-il en me prenant en photo.
Je serre les dents et fais tout pour garder les mains sur le volant, je gare finalement sur le bas-côté et me tourne vers lui, furibond.
‒ Landry, il y a un temps pour s’amuser et un temps pour le sérieux.
‒ Moi quoi ? C’est sur moi que tu viens te muscler, alors que l’objet de tes désirs t’a mis K.O.
‒ Humm, ce n’est que partie remise, je ne sais même pas ce qui m’a pris, maintenant que l’on en parle.
‒ Pardon, il est 21h15, ramène-moi chez moi, ma moitié devrait déjà être de retour.
‒ Tu le dis pour mieux me narguer, n’est-ce pas ?
‒ Pardon, il faut arrêter de faire du bruit, ramène un honnête concubin chez lui.
‒ Oui, juste un concubin, tu n’es pas marié, donc pas encore sorti de l’auberge.
‒ Moi au moins, j’ai réussi à attraper ma poule, je l’ai mise à la maison. Toi, tu es encore en train de chercher à comment procéder, tu cours après elle et elle krkrkkrkrkr…
‒ Elle quoi ?
‒ Elle te sort les katas kia kia kia kia kia ga ga ga ga ga ga… Massa, je croyais que nous étions dans un film indien, avec un mauvais montage. Le saut que Cricri a fait, je n’en reviens pas. Hop Hop, le coup de poing et le « péroulé », ça s’appelle, le saut du Pangolin.
Je n’ai pas pu m’en empêcher, j’ai éclaté de rire, j’en pleure, mince, Landry est un malade, je vous assure.
‒ Rhooooo… je regrette de n’y avoir pas pensé sur le coup, je t’assure, j’auraiss dû filmer ça ; j’allais voir un informaticien pour me disséquer ça et mettre en écran de veille de mon ordinateur.
‒ Krkrkrkkrkr…
‒ J’espère que tu n’as pas de côtes fêlées ; Serge, dit-il en me tâtant.
‒ Imbécile ! Si quelqu’un passe là, on pourra croire que nous sommes des homosexuels. C’est comment ? Je tiens à ma réputation, moi.
‒ Tu es un souilleur, dis donc. Tu es un incapable, tu n’as même pas pu convaincre une go de te suivre. Engamba, tu perds la main. Je suis sûr et certain que même Oliveira a dû en rire, elle doit maintenant se demander ce qu’elle t’avait trouvé.
‒ Mouff !!!
‒ Sérieux, tu étais pathétique, mon frère. Lâche prise, type, lâche prise. Quand je vais raconter ça à Monique, Avomo et Nadine, tu seras la star, tu vas animer nos soirées Poker.
‒ Landry, si tu es mon ami, tu dois garder ça pour toi.
‒ Ga ga ga ga ga ! Zéro !!! Ton râteau va passer sur NBC, le dragueur de ces dames qui n’arrive pas à attraper sa poule. Krkrkrkkrkr… vraiment, tu as souillé les Beti Be Nanga, tu es un faible dis donc, les Beti sont des Seigneurs, ils savent comment se comporter avec les femmes et les convaincre. Ça a été un fiasco, tout à l’heure, tu as souillé les Fang dis donc, tu as sali la réputation des Fang. Type, tu es nul, excuse-moi de te dire ça comme ça, tu es un faible de formation.
‒ Landry, c’est à moi que tu t’adresses comme cela ?
‒ Pardon, gare, nous sommes déjà arrivés, laisse-moi aller caresser ma femme en paix.
‒ Descends de ma voiture, Landry, descends.
‒ Heureusement que les CCC (savons) existent, Tu ferais mieux de prendre un abonnement là-bas, ce n’est pas maintenant que Cricri aka Choupette, t’ouvrira ses jambes.
‒ Sors !
‒ Ga ga ga ga ga !
Il sort, je démarre sur des chapeaux de roues, je ne peux m’empêcher de jeter un regard sur le rétroviseur, il s’est carrément assis sur le trottoir et en rigole, j’ai gardé contenance parce qu’il était là mais là, je craque. Comment ai-je pu aller si bas ? Et pour qui même ?

********QUELQUES HEURES PLUS TARD********
[CHRYSALIDE]
« Mouané, que dis-tu ? »
‒ Comme je te dis là.
« Ga ga ga ga ga ga ha ha ha ha ha kia kia kia kia ha ha ha ha ! »
J’entends un grésillement, puis le bruit que fait un combiné qui tombe.
BOUM…BOUM…
« Krkrkrkrk ah ha ha ha ha ha ha ha ga ga ga ga ga ga ! »
‒ Tchiiiiiiiiip !!!!
« Mouané, pourquoi es-tu aussi méchante ? Ga ga ga ga ga ga ! »
‒ Rosie, je n’aime pas ça, tu entends ?
« Le gars croyait que le fait d’avoir mis les doigts dans ton affaire, il avait déjà le ticket pour le paradis. Ga ga ga ga ga ga ga ga ! »
‒ Une vraie brute.
« Il a cru que l’échange de bols de salives, voulait dire qu’il avait déjà doté. Ha ha ha ha ha ha ha kia kia kia ! Les camerounais et la gratuité. »
‒ Il est sauvage, dis donc.
« Mouané, que dis-tu, un Fang ? C’est un mou-mou dis donc, c’est un faible de formation, dis donc. »
‒ Il m’a attrapée par l’avant-bras, j’en porte même encore les traces.
« C’est l’amour. »
‒ Krkrkr… tu es folle, toi.
« Et toi, tu n’as pas loupé une occasion de lui montrer qu’il est un bébé, tu lui as fait un kata. »
‒ Obligée, je ne suis pas aux bêtises, Rosie.
« Ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ! »
‒ Avec le recul, moi-même, je trouve que j’étais ridicule. Krkrkrkrkr… obligée, sinon je perdais la face devant Dave.
« Le pauvre Toubab a dû se dire que c’est l’amour à l’africaine. »
‒ Je te dis, ha ha ha ha ha !
« Sérieux, Tu auraiss mieux fait de t’abstenir. »
‒ Pourquoi ?
« Je suis certaine que Dave a dû se demander si tu n’es pas capable de sortir un kata au lit, dans le feu de l’action. »
‒ Krkrkrkkrkr…
« Pauvre Serge, il a été nul sur ce coup. »
‒ Aka pardon, qu’il aille faire ça avec Aïssa.
« Toi que je connais, tu n’as jamais accepté qu’un homme aille aussi loin. Tu es devenue plus boro que moi, ma chérie. »
‒ Rosie, excuse-moi, je ne suis pas boro (bordelle, frivole).
« Tu crois qu’écarter les jambes le premier jour, c’est quoi ? »
‒ …
« Il t’embrassait tellement bien, que tu as écarté les jambes, il a mis les doigts. »
‒ …
« Je suis certaine que s’il insistait un peu plus, tu allais le laisser te caver et te coucher. »
‒ Jamais !
« Tu n’as jamais laissé un homme te déshabiller, encore moins des caresses profondes et là, hum. »
‒ …
« Mouané, tu es dans son boa, j’en suis certaine. »
‒ Non, non.
« Moi qui pensais que les camerounais sont des faibles de formation, je retire ; si tu ne me caches rien, il te fera bientôt grimper au rideau. »
‒ Tchiiiip… je vais raccrocher.
« Il n’y a que la vérité qui blesse, ma chérie. »
‒ Bonne soirée, Rosie.
« Bonne soirée, mouané. »
Je raccroche, je vais faire couler le bain, y mets les sels et m’y plonge ; ce fut une journée et une soirée particulièrement chargées. J’éclate de rire en pensant à la mine qu’affichait Serge, après que je lui ai fait le kata. Un imbécile, oui, oui. Dave a voulu écourter la soirée, mais j’ai insisté et nous sommes retournés à l’intérieur, bravant les regards des autres et les chuchotements. Nous sommes rentrés à notre table et avons recommencé à manger, tranquillement.
« Engamba, je ne sais pas ce que tu as cru, moi, je ne suis pas les autres femmes. »
Partie 31 : un barbecue d’enfer
Je pose le carton devant le portail et vais rechercher les deux autres cartons, je verrouille les potières et vais sonner. Nadine, dans une robe orange lui arrivant à mi-cuisses, fait son apparition ; c’est toujours un plaisir de la voir, une vraie bouffée d’oxygène.
‒ Bonjour ma belle.
‒ Bonjour Engamba.
‒ Comment vas-tu ?
‒ Bien, merci et toi ?
‒ Ça peut aller, merci.
Elle a un rictus ironique, me regarde dans les yeux, puis secoue la tête avant d’ouvrir le portail et indiquer les cartons.
‒ Qu’est-ce que c’est ?
‒ Des bouteilles de vin rouge, blanc et du rosé.
‒ C’est trop, il ne fallait pas.
‒ Ce n’est pas grand-chose, tu sais.
‒ Je prends celui-là et toi, tu prends le reste.
‒ Ok.
Je me saisis des cartons, elle fait rentrer son carton, ferme le portail et reprend le carton.
‒ C’est par ici, Serge.
‒ Ok.
Nous contournons la maison, des effluves de parfum, je veux dire des odeurs nous assaillent immédiatement ; mon ventre se met à gargouiller et je salive, je vais vraiment me régaler. Je vois d’abord les barbecues d’où s’échappent des fumées, les autres sont assis à quelques mètres de là, autour d’une table, à siroter des bières, boire du vin et des jus.
CLAP…CLAP…CLAP…CLAP…CLAP…CLAP…
Tous se lèvent et se mettent à applaudir, je comprends rien, ils applaudissent à tout rompre, puis se mettent à rigoler, avant de se rasseoir. Je ne comprends rien, je vais déposer les cartons près de la table.
‒ Bonsoir le grand Engamba.
‒ Bonsoir, type.
‒ C’est comment ?
‒ Je suis là, je suis là. As-tu enfin un titre de séjour ?
‒ Krkrkr… Tu ne me lâcheras jamais avec ça.
‒ Et comment ?
‒ Tu es un malade, toi.
‒ Krkrkr…
‒ Eh ben, tu ne fais jamais rien à moitié.
‒ Et comment ? Je ne suis quand même pas n’importe qui.
‒ Tes chevilles vont enfler à un moment donné.
‒ Krkrkkr…
‒ Alors, qu’as-tu apporté ?
‒ Vins rouges, vins blancs et rosés.
‒ Wow ! Merci, ce n’est vraiment pas de la gnognote ; dit-il en ouvrant les cartons.
‒ Je vais saluer les autres.
‒ Allons-y. Nadine.
‒ Je vais mettre tout ça au frais.
‒ Merci.
‒ Allez-y, je reviens.
‒ N’as-tu pas besoin d’aide ?
‒ Non, ça va.
Nous rentrons vers la table et Landry, Monique se retournent en souriant.
‒ C’est comment ? dis-je en les embrassant tous les deux.
‒ Ça va, ça va.
‒ C’est how ? Qu’est-ce qui te fait maigrir autant ?
‒ La vie, toi-même tu sais.
‒‒ Nous en étions encore à l’apéritif ; dit-il en posant le plateau sur la table.
‒ Si vous avez besoin de quoi que ce soit ; dit-elle en disposant les plats sur la table.
‒‒ Mais prési, pourquoi restes-tu débout ? s’étonne Avomo.
‒ Ha, j’avais même oublié.
‒ Passe-moi ta veste, je vais la mettre à l’intérieur.
‒ Merci, Nadine ; dis-je en l’enlevant et la lui tendant.
‒ De rien.
‒ Mais Avomo, tu fais déjà trop travailler notre sœur.
‒ Aka, les vieux, quittez.
« Ha ha ha ha ha ha ha kia kia ! Plus clair, il n’y a pas.
‒ Sommes-nous complets ?
‒ J’ai invité quelques collègues, mais ils seront là dans une heure.
‒ Pourquoi ?
‒ Je tenais à ce que nous passions un peu de temps tous les 6, histoire de renforcer le noyau.
‒ Chérie.
‒ Oui, j’arrive.
‒ C’est déjà à base de chérie, alors que tu n’as pas encore doté ; intervient Landry.
‒ Cela ne saurait tarder.
‒ Le plus camerounais des gabonais ; envoie Monique.
‒ Je te dis, il a fallu que toi, le gabonais, vienne nous faire un maquant ; je prends à sa suite.
‒ Je te dis, il vient chercher une de nos valeureuses lionnes, une guerrière ; et Landry s’y colle.
‒ Chacun a son remède sur terre ; enchaîne Monique.
‒ L’un termine les phrases de l’autre, vous vous êtes vraiment trouvés.
‒ Etait-il obligé de prendre une camerounaise ?
‒ Et toi qui court après une de mes sœurs ?
‒ Aka, je voulais juste m’amuser, il n’y a qu’une camerounaise qui puisse satisfaire un lion comme moi, sur tous les plans.
‒ Donc tu voulais te faire les dents sur ma sœur ?
‒ Heureusement qu’elle maitrise les katas.
Tous ont explosé de rire, ils se plient carrément de rire, en pleurent même. Landry se place devant la table et imite Cricri ; j’avais mal, difficile de savoir qu’elle avait sali ma réputation.
‒ Oui, je voulais juste me faire les dents ; dis-je, laconique.
‒ Donc, je peux aussi me les faire sur Nadine et aller épouser une gabonaise ?
‒ Il faut essayer, Avomo, on ne va pas te dire.
‒ Kia kia kia… Nadine a commencé à donner les vétos.
‒ Monique, qui va se laisser faire ?
‒ Que tu vas faire quoi ?
‒ Tu fais le malin devant les potes, toi-même tu sais.
‒ Donc tu fais le bruit alors que c’est madame qui porte la culotte ?
‒ Le kilo de l’homme viril est devenu trop cher.
Nous éclatons tous de rire à cette allusion de Nadine.
‒ Si c’est moi, je ne laisse pas.
‒ Que tu vas faire quoi ?
‒ Je te dis.
‒ Mince !!!! C’est chaud ici, elles ont pris le contrôle.
‒ Quel contrôle ? Tant que c’est l’homme qui épouse, elles ne prendront jamais le contrôle.
‒ Krkrkrkkrkr…
‒ Par solidarité, je vais quand même adhérer au club des hommes battus ; ironise Landry.
Les fous rires s’enchaînent.
Le rire était si contagieux, que nous avons ris près de 3 minutes, non-stop.
‒ Sérieux, j’ai du respect pour cricri.
‒ Tsuip !!
‒ En un kata, et s’il vous plait, pas n’importe lequel, elle a réussi à détruire la réputation de coureur de jupons, maben ma wok neu coureur de « calicon » de Serge.
Avomo en rajoute des couches et tout le monde s’en donne à cœur joie.
‒ C’est ça, c’est ça, marrez-vous.
‒ Mais c’est vrai, à l’université catholique, Serge s’était taillé une réputation de Nicky Larson.
‒ C’est ce que tu dis un peu, comme ça.
‒ Ce n’est pas qui veut, mais qui peut.
‒ Il y a comme un air de revanche.
‒ Vous m’en vouliez, apparemment.
‒ Un tout petit peu, quand même ; avoue Landry.
‒ Krkrkrk…
‒ Après ton passage, les autres n’avaient plus qu’à ramasser les miettes ; confie Avomo.
‒ Ce que j’ai vu au Hilton, non, non ; des vestes, je m’en suis pris mais celle-là, jamais. Même si le kilo de la femme coute cher « tan ya », jamais, jaaamais.
Et c’est encore rire après rire.
‒ Et si nous passions au repas ? dis-je pour vraiment passer à autre chose.
‒ Ils arrivent, ils seront là dans moins de 5 minutes.
‒ Qui ?
‒ Des amis.
5 minutes plus tard, Ludovic, Mistral, Sybel, Maïa et Léon, font leur apparition, nous formons maintenant une bande de joyeux lurons ; les discussions vont bon train, l’ambiance est bon enfant, les autres ont naturellement trouvé leur place. Sybel, une grande perche au teint clair et « bio », je rappelle, me fait du gringue depuis qu’elle est arrivée. J’ai bien envie de m’amuser.
Quoi ? Pourquoi me regardez-vous ainsi, cela fait deux semaines que Junior ne s’est pas défoulé ; elle est un beau morceau. Après un râteau monumental, je vous le concède volontiers, le chasseur, le prédateur revient au galop. Je m’approche du barbecue, Maïa s’éclipse, je crois qu’elle a rapidement compris.
‒ Alors Sybel.
‒ Oui, Serge.
‒ Aimes-tu l’ambiance ?
‒ Oui.
‒ Tu es ravissante, ce bustier te va à merveille, il te fait une belle poitrine. Déjà, le reste est magnifique.
‒ Merci, tu es aussi très élégant.
‒ Merci. Alors, que fais-tu dans la vie ?
‒ Je travaille comme secrétaire au ministère des finances.
‒ Déjà ?
‒ Mais oui.
‒ Je sais que l’on ne pose généralement pas cette question aux femmes, mais je ne peux faire autrement, je te prie de m’excuser.
‒ J’ai 28 ans.
‒ Moi aussi.
‒ Un bon point.
‒ Depuis combien de temps travailles-tu ?
‒ Cela fait 5 ans, maintenant.
‒ Wow ! Qui t’a trouvé le travail ?
‒ Un proche. Souffre que je ne t’en dise pas plus.
‒ Ok. Navré, si mes questions t’ont dérangée.
‒ Non, ça va.
Nous avons discuté et nous sommes trouvés des points communs, c’est une fille assez sympa, j’aime bien son air mutin et sa candeur, malgré son âge. Nous nous plaisons mutuellement, j’auraiss bien aimé terminer la soirée avec elle, mais c’est impossible ; madame a des principes. Pfff… Comme si elle ne finira pas dans mon lit… Franchement !
Après un quart d’heure, nous rejoignons les autres, Avom et Landry tiennent la chandelle et font la conversation. A un moment donné, Monique décroche et fait signe à Nadine qui accourt, elle lui montre un message ; Avomo regarde sa chérie, elle acquiesce. Je ne tiens même pas à savoir à quoi ils jouent.
‒ Là, elle a dérangé, elle n’a respecté personne ; dit Landry.
‒ Qui ? dis-je en enfournant une bouchée de poisson braisé.
‒ Mais regarde ; dit Avom en montrant la direction avec la fourchette.
Cricri et son nain de jardin font leur entrée, lui porte un polo blanc, une veste blanche et un slim noir ; Cricri est moulée dans un pantalon slim rouge et un chemiser à rayures blanches et noires, un sac de marque rouge et elle est juchée sur des échasses, de magnifiques escarpins. Je confirme avec un pincement au cœur, elle est belle.
Tous les autres, je veux dire, ceux de la bande, se tournent vers moi et me regardent. Je leur fais un sourire et continue à manger, le parfum de cricri rentre dans mes narines avec agressivité.
‒ Bonsoir à tous.
« Bonsoir. »
Ils distribuent les poignées de mains et les bises à la ronde, je les observe. Arrivés à mon niveau, ils me tendent la main, je la prends tout simplement. L’air semble s’être chargé en électricité, Monique et Nadine se chargent de mettre les nouveaux arrivés à l’aise.
‒ Serge, viens nous aider, s’il te plait ; dit Landry.
‒ Ok.
Je jette un coup d’œil du côté de Sybel, elle me fait un signe de la tête, je suis les deux autres.
‒ Je tenais à ce que nous nous ravitaillions en vins, mais…
‒ Arrêtez de vous inquiéter pour moi, soyez naturels.
‒ Ok. Prenez les autres bouteilles et suivez-moi.
Il sort, me laissant avec Landry qui s’accoude au mur et me regarde.
‒ C’est comment ?
‒ Ça va.
‒ Tu es vraiment mordu, Engamba.
‒ De quoi parles-tu ?
‒ Serge, c’est moi. Ne te sens pas obligé de faire semblant avec moi, tu sais.
‒ Je vais bien, ne t’inquiète pas.
‒ Ok, allons-y. Un conseil, ne t’isole pas du groupe.
‒ Je ne comptais pas le faire.
‒ Ok, c’est rassurant.
Nous prenons les bouteilles et allons rejoindre les autres. Les filles font le service, Dave s’intègre au groupe et participe tant bien que mal à la conversation. Je finis par mettre cet incident dans un coin de ma tête, je profite pleinement de la soirée, j’ai décidé de tout simplement l’ignorer.
Sybel vient s’asseoir près de moi, de temps à autre, nous échangeons des regards complices, des sourires et des sous-entendus ; Vous penserez que je le fais pour montrer à celle-là que je ne souffre pas, que tout est faux, je n’ai pourtant rien calculé.
4 heures plus tard, je prends congé des hôtes, je dis au revoir aux autres, mais avant, je dois aller au petit coin. Je pose mes clés de voiture sur la table et rentre dans la maison, je vais faire la petite commission avant d’aller me laver les mains. En ressortant, je tombe sur Cricri, je ne dis rien et m’écarte juste de son chemin ; je me dis qu’il est mieux de m’éloigner d’elle mais avant, il faudrait que je le fasse.
‒ Chrysalide ; dis-je en me retournant.
‒ Oui, Serge.
‒ Je tenais à m’excuser pour l’incident d’il y a deux semaines.
‒ Ok.
‒ Ce n’est pas moi, je ne suis pas sauvage, brutal ou grossier, d’habitude, je ne sais pas ce qui m’a pris.
‒ Ok.
‒ J’espère que Dave et toi, serez heureux.
‒ Serge…
‒ Oui…
‒ En fait…
‒ Huhum…
‒ Rien, rien.
‒ Ok ; dis-je en lui tournant le dos.
‒ Je suis désolée, moi aussi, je n’aurais pas dû te faire mal, je tenais juste à me dégager.
‒ Et tu avais raison.
‒ J’avoue que ce que je calculais surtout, c’était…
‒ C’était…
‒ Tes burnes.
‒ Pardon ?
‒ Oui, tes burnes.
‒ Ok.
Elle est folle, cette fille, calculer mes bijoux de famille ? Comment vais-je encore fidéliser les filles ? Je vais rejoindre les autres, je m’apprête à leur dire au revoir, lorsqu’Avomo et Nadine me prennent en aparté.
‒ Qu’avez-vous avec vos airs de conspirateurs ?
‒ Ecoute, on sait qu’entre Cricri et toi, cela ne va pas fort mais là, nous sommes obligés.
‒ Et si vous me disiez ce qui ne va pas.
‒ Dave a dû partir. Personne ne peut malheureusement la raccompagner.
‒ Pourquoi est-il parti ?
‒ Un accident sur son lieu de travail, ses responsables hiérarchiques y sont déjà.
‒ Ok, je vois. Vous pouvez aussi la mettre dans le taxi ou demander à l’un des deux autres, de la ramener.
‒ Nous sommes presque tous, pintés.
‒ Ok, je vais le faire.
‒ Merci, type.
Je m’assieds et attends patiemment qu’elle se montre, Nadine la met rapidement au courant ; elle me regarde de biais, je dis au revoir et nous sortons dans le silence le plus complet. Je débloque les portières, elle rentre, s’assied et attache sa ceinture. Je démarre et prends le chemin de chez elle, l’ambiance est assez bizarre dans la voiture.
‒ Ai-je aussi perdu mon ami ?
‒ Je ne sais pas, Chrysalide.
‒ Ce n’est plus choupette ?
‒ Non, c’est maintenant Chrysalide.
‒ Ok.
Elle garde le silence jusqu’à ce que je gare devant son portail, elle tarde à descendre et s’attarde dans la voiture, une main sur la portière et l’autre, sur le frein à main.
‒ Un café, tu peux descendre prendre un café.
‒ Non, merci. Je croyais que l’entrée de chez toi m’était désormais interdite.
‒ Serge, tu étais passé me chercher accompagné, je n’avais rien demandé. T’en souviens-tu ? Tu t’es amusé, j’en ai fait de même, tu as piqué une crise pour je ne sais quoi. Tu t’es employé à me pourrir la soirée ou, plutôt, Aïssa et sa sœur s’y sont tellement bien prises que je me suis fait un ami. Dave m’a raccompagnée, nous avons passé une bonne soirée. Plus tard, tu débarques chez moi, telle une furie, tu m’embrasses, me caresses comme personne ne l’avait fait auparavant. Lorsque je suis tout émoustillée, tu me quittes comme si tu avais terminé avec une prostituée, tu m’envoies un sms me demandant de rompre avec Dave. Pour qui m’as-tu prise, Engamba ?
‒ …
‒ Un nom de plus sur ta longue liste ? Pour qui me prends-tu ?
‒ …
‒ Peut-être est-ce mieux que nous ne voyions plus.
‒ Si c’est vraiment ce que tu souhaites.
‒ Oui, c’est ce que je veux.
‒ C’est mieux, je veillerai mieux sur mes burnes.
‒ Parfait !
‒ Bonne soirée, Chrysalide.
Elle sort et fait claquer la portière, je démarre récupérer Sybel que je vais sagement ramener chez elle.
*******UNE SEMAINE PLUS TARD******
[CHRYSALIDE]
‒ Bonsoir…
Il me fait un bisou et passe devant moi, je souris.
‒ Merci d’être passé.
‒ Cela faisait longtemps que je ne t’avais pas vu.
‒ Ecoute, Jay.
‒ Mmm…
‒ Nous ne sommes plus des gamins, je ne souhaitais pas perdre ton amitié, elle m’est très chère.
‒ C’est réciproque.
‒ C’est tant mieux, j’ai eu peur que tu ne me détestes.
‒ Non, même si je voulais, je ne le pourrais pas ; c’est moi qui ai déconné.
‒ Ok.
‒ Je ne vais pas dire que cela me fera super plaisir, mais il faut bien avancer. Si tu veux fréquenter Serge, vas-y.
‒ Non, mais merci tout de même.
‒ Il n’y a plus rien entre vous ?
‒ Il n’y a jamais rien eu.
‒ Je…
‒ Non, Jay, il n’y aura plus jamais rien entre nous.
‒ Ok.
‒ J’ai pensé que nous pourrions passer une bonne soirée.
‒ D’où l’ambiance zen.
‒ Oui l’encens, les figurines et après, les cochonneries.
‒ Je suis partant.
‒ Enlève tes chaussures, tu veux ?
‒ Ok ; dit-il en le faisant.
Je les prends et vais les déposer devant la porte, je l’invite à me suivre sur la natte, au milieu du salon.
‒ Nous allons commencer par nous détendre.
‒ Ok.
‒ Nous allons commencer par quelques poses de Yoga.
‒ J’espère que tu ne me détends pas pour me violer.
‒ Krkrkr… tu es drôle, toi.
‒ Je serais une victime consentante.
Une dizaine de minutes plus tard, j’installe une table de massage au milieu du salon ; je lui demande d’enlever le T-shirt, il le fait gentiment. Je m’oins les mains et me mets à me masser son dos, je continue avec le cuir chevelu, puis les tempes, je repars au dos. Lorsqu’il a les yeux bien fermés, je verse une à deux gouttes d’infusion d’écorces, il est vrai que cela ne sent pas bon.
« Es-tu certaine ? »
« Tu empruntes le chemin de non-retour. »
« Oui. »
« Ok. » font-ils ensemble.
Je pose les mains sur ses tempes et ferme les yeux, je me mets à sonder son intérieur, je plonge sans retenue aucune dans les méandres de son esprit. Je me balade, je ne sais vraiment de quoi je suis à la recherche, mais je vais trouver. Iana étant un esprit assez fort, ne peut vivre dans son corps, elle ne peut que laisser un être de substitution, mais quoi, je n’en sais rien.
Je sais par expérience que le trouver entrainerait une réaction en chaine. Je suis en train de me promener dans sa tête, lorsque je sens une présence, mes cheveux et poils se hérissent. J’ai comme qui dirait, le tournis. La plateforme sur laquelle je suis, se met à tourner.
Je tends la main pour maitriser, mais je me souviens du premier conseil d’un initié, toujours laisser à l’autre, l’avantage de la découverte. Je garde les yeux bien ouverts, malgré la vitesse du vent ; j’active mes radars et me retrouve face à deux yeux, jaunes et brillants dans la nuit. Il ne cille pas, ne bouge pas d’un iota. Il émane de lui quelque chose de mauvais.
Mon Dieu !!!Je baisse les yeux sur le reste de son corps, je n’en avais jamais vu, c’est une horreur.